Charles AKOPIAN

Charles AKOPIAN



Charles Akopian, né à Marseille en 1948 de parents rescapés du génocide arménien, s’est tôt éveillé à la poésie, en se remémorant que sa ville natale est aussi celle des Cahiers du Sud, la mythique revue rebaptisée ainsi en 1925 (poursuivant l’aventure de la revue Fortunio créée par Marcel Pagnol et Gabriel d’Aubarède en 1914), et prise en main par Jean Ballard. Cette grande revue a cessé de paraître en 1966. Un an auparavant, Charles Akopian frappe à la porte de la célèbre revue et ressort de sa visite complètement transformé. Les poèmes de Jean Malrieu, Jean Tortel, Pierre Delisle, Gérald Neveu, Guillevic…, les écrits de Joë Bousquet, nourrissent son quotidien.

Akopian fait ses études à la faculté des lettres d’Aix en Provence (licence de Russe) et décide toutefois en 1972, après deux ans de bénévolat, de consacrer sa vie à la solidarité en actes : lorsqu’on souffre de l’injustice - en l’occurrence le génocide nié des Arméniens - combattre toutes les injustices, partout dans le monde, s’impose à lui : « Les « bénéficiaires » de la solidarité sont avant tout des êtres humains, que notre société malheureusement qualifie plus qu’elle ne nomme. Ce ne sont pas des pauvres, des exclus ou des tricheurs que nous recevons. Chacun a une histoire, des savoir-faire, des richesses qui souvent ne demandent qu’à être (r)éveillées, et peut prendre part à la grande chaîne de l’action solidaire. De même nos bénévoles reconnaissent souvent être eux-mêmes : des bénéficiaires de la solidarité en vivant ce qu’ils partagent au SPF. Ainsi la solidarité et la mise en mouvement pour la solidarité nous semblent indissociables. Agréés d’éducation populaire, nous pensons que « faire pour sans faire avec, c’est faire contre ». La solidarité chaleureuse, inventive, n’a rien à voir avec la solidarité clinique. Dans cet esprit, au Secours populaire, on ne distribue pas ! Toutes nos actions, notre pratique quotidienne, consistent à multiplier ces « espaces de solidarité multiforme », véritables lieux de victoires sur le repli sur soi, où l’écoute, l’accompagnement pour l’accès aux droits, l’orientation, nourrissent des échanges afin d’envisager ensemble des solutions, des démarches. Bien sûr, la réponse à l’urgence est irremplaçable : des enfants, des jeunes, des personnes seules, des familles, des « travailleurs pauvres » et de plus en plus de personnes âgées dans notre pays ne mangent pas à leur faim, ou n’ont pas les moyens suffisants pour assurer la soudure jusqu’à la fin du mois. Et nous répondons concrètement à cette demande. Mais lorsque, avec une maman venue demander à manger pour ses enfants, nous réussissons à monter un projet familial de départ en vacances, qu’elle fait les démarches nécessaires, et réussit à concrétiser ce qui était hors de ses préoccupations prioritaires en venant nous rencontrer, nous avons ensemble construit un avenir meilleur. Elle est belle cette solidarité qui fait passer du « je » au « nous » et s’efforce de donner des outils (même modestes) pour s’en sortir… En attendant une vie meilleure, c’est aujourd'hui qu’il faut tordre le cou à la misère dans ce monde qui vraiment ne tourne pas rond. » Durant quarante années, Akopian décline et incarne, comme Secrétaire général de la fédération du Gard, la devise du Secours populaire français (« Tout ce qui est humain est nôtre ») en France et au-delà des frontières, tout en continuant à écrire et à se nourrir en poésie.

Ses premières publications se font dans la revue de Jean-Pierres Védrines, la main millénaire en 2016 et en 2017. Naturellement, sa poésie est le reflet de son engagement humaniste. Akopian sait regarder, écouter, s’imbiber et ressentir les hommes comme les éléments, pour mieux s’éclairer de l’intérieur : Le gouffre a l’ampleur – De nébuleuses en migration. – L’écriture décante les solitudes. Après avoir vécu à Marseille, Aix en Provence et quarante ans à Nîmes, Charles Akopian a choisi de rejoindre, à la suite d’un autre prestigieux poète marseillais (Saint-Pol-Roux, en 1898), le Penn Ar Bed, la tête du monde, à Brest, en 2013 : Dans ce pays – Où chaque goutte de pluie – Est pourboire de l’océan – Rien ne sert de pleurer. – La terre est une cagnotte – De frises, de galeries – Qui germent patiemment. – Pour celui qui arrive, - La récompense prend son temps, - Dans ce pays du bout du monde, - La roche aiguise ses dents, - La mer trouve toujours une source – D’où jaillir.

Christophe DAUPHIN

(Revue Les Hommes sans Epaules).

À lire : L’intime au tamis (L’Harmattan, 2023), Nouaisons (Encres vives, 2022), Le vivant du marbre (Encres vives, 2021), L’amour à l’équinoxe (Stellamaris, 2019), Ressacs (Encres vives, 2019), À l’ombre de la blanche hermine (Encres vives, 2019), L’herbier aux lignes fauves (2018), L’arrière-vie (Alcyone, 2017).



Publié(e) dans la revue Les Hommes sans épaules


 
Dossier : Poètes bretons pour une baie tellurique n° 57